La caractérisation du détecteur Virgo

Les données en sortie de détecteurs d’ondes gravitationnelles comme Virgo sont dominées par le bruit de mesure auxquel s’ajoutent des signaux d’ondes gravitationnelles rares et faibles. C’est pourquoi la détection d’ondes gravitationnelles et l’analyse de leurs données pour étudier les sources astrophysiques qui les ont produites nécessite de diminuer au maximum le bruit produit par l’instrument ainsi que de suivre, comprendre et contrôler ses variations. Ces activités sont rassemblées de manière générique sous l’acronyme « DetChar », l’abréviation de l’anglais « detector characterization » – en français « caractérisation du détecteur ». Ce bruit de mesure a des origines multiples :

  • Les lois fondamentales de la physique qui limitent au final la sensibilité de l’instrument ;
  • Des bruits techniques, nombreux et variés, dus aux imperfections des pièces du détecteur et des systèmes de contrôle qui le pilotent ;
  • Enfin les interactions complexes entre le détecteur et son environnement (conditions météorologiques, vibrations du sol, etc.)
Spectrograms of transient noise (aka glitches) detected in the Virgo detector. These glitches are identified using auxiliary signals, displayed in the top-left corners.

La compréhension des bruits

Les activités DetChar ont pour but de comprendre la manière dont des bruits particuliers se couplent avec les données en sortie du détecteur – c’est-à-dire comment les bruits influencent ces données. Dans certain cas, des canaux de données dits « auxiliaires » qui permettent le suivi d’une source de bruit aident à comprendre le mécanisme en jeu – par exemple un micro qui détecte le passage d’un avion près d’un des bâtiments abritant une partie du détecteur Virgo.

Expérimentalement, une autre manière de trouver l’origine d’un bruit particulier nécessite de l’exciter artificiellement – par exemple en secouant un composant dont on pense que les vibrations ont un effet sur la sensibilité de l’instrument.

Ces études sont compliquées par le nombre de degrés de liberté en jeu ainsi que par le grand nombre de canaux disponibles pour chercher des corrélations dans le domaine temporel ou de la cohérence dans le domaine fréquentiel. Elles nécessitent des méthodes d’analyse sophistiquées qui, le plus souvent, balayent toutes les données disponibles, à la recherche d’une piste pour faire avancer l’étude du bruit. Et, en fait, c’est une histoire sans fin, ou presque : lorsqu’une source de bruit a été identifiée puis éliminée ou atténuée, d’autres bruits – jusque-là sous-dominants et donc masqués par le bruit plus fort – apparaissent et doivent à leur tour être compris et combattus.

La qualité des données

De plus, lorsque le détecteur prend des données (en continu et le plus souvent possible) pendant des périodes qui peuvent durer jusqu’à un an, voire plus longtemps, il est fondamental de suivre la qualité des informations enregistrées ; de s’assurer qu’elles restent suffisamment bonnes pour permettre leur utilisation pour des analyses de physique ; et enfin de pouvoir prendre des contre-mesures immédiates dès qu’un problème est détecté.

La qualité des données est scrutée à trois étapes clefs du processus qui part des données brutes juste enregistrées au niveau du détecteur et qui va jusqu’aux résultats finaux publiés.

  • Tout d’abord, en temps réel, pour donner un premier aperçu de la qualité des données aux algorithmes les plus rapides et qui cherchent en direct des signaux transitoires d’ondes gravitationnelles.
  • Ensuite, avec une latence de quelques dizaines de minutes au plus, pour scruter la qualité des signaux d’ondes gravitationnelles candidats les plus significatifs et qui ont été identifiés par les algorithmes de recherche décrits au point précédent. Si leurs données sont bonnes et si aucun problème n’est identifié par ailleurs, une alerte publique est envoyée pour suivre la sources dans d’autres canaux (des télescopes ou des détecteurs de particules) afin d’observer en détail la région du ciel dans laquelle la source potentielle a été localisée par le réseau LIGO-Virgo-KAGRA et y chercher de possibles contreparties.
  • Enfin, en temps décalé, jusqu’à des mois après l’enregistrement des données analysées. Il s’agit alors de valider la liste finale des signaux candidats et de définir avec précision les contours du lot de données global à analyser.

Ces trois étapes demandent chacune des outils logiciels dédiés sans lesquels les objectifs de contrôle de la qualité des données ne pourraient pas être atteints.

Les activités DetChar à l' IJCLab

Le groupe IJCLab « Ondes Gravitationnelles » est impliqué dans les activités DetChar depuis de nombreuses années. Son domaine d’expertise inclut:

  • la détection de transitoires de bruit en temps réel,
  • la production de vetos pour isoler les périodes où les données enregistrées sont de mauvaise qualité (et ce pour tous les différents types d’analyses, qu’elles soient en temps réel ou en temps décalé),
  • l’étude des candidats ondes gravitationnelles avant émission d’une alerte publique,
  • l’identification des canaux de données qui sont insensibles (ou sensibles) au passage d’une onde gravitationnelle au travers du détecteur, etc.

Au fil des années, plusieurs membres du groupe IJCLab ont coordonné les activités DetChar dans la Collaboration Virgo.