Thèse 2024-2027 – 4D mapping of blazars: from optical to gamma-ray emission

Encadrants, contact

Julien Peloton:  <peloton@ijclab.in2p3.fr>

Jonathan Biteau: <biteau@in2p3.fr>

Contexte scientifique

L’univers multi-messager est l’un des sujets de recherche les plus fructueux en astronomie. Les quinze dernières années ont vu en particulier i) le dévoilement du ciel gamma au GeV dans l’espace et au TeV depuis le sol ; ii) la découverte de neutrinos d’origine astrophysique jusqu’au PeV ; iii) l’observation directe des ondes gravitationnelles ; iv) la découverte de l’anisotropie dans les directions d’arrivée des rayons cosmiques au delà de l’EeV. Ces découvertes ont marqué l’essor du domaine multi-messager.

Une classe particulière de sources astrophysiques non thermiques d’intérêt pour trois de ces messagers est celle des noyaux actifs de galaxie (AGN) à jets. Les AGN à jet représentent 80 % des ~1 600 sources détectées en rayons gamma au-delà de 10 GeV par Fermi-LAT en plein ciel. Ces sources non thermiques émettent sur l’ensemble du spectre électromagnétique avec une forte luminosité bolométrique, liée au mouvement relativiste de la région radiative le long des jets. Avec des jets quasi alignés avec la ligne de visée, les blazars abritant un trou noir super-massif (millions à milliards de masses solaires) peuvent, de manière persistante ou transitoire, éclipser les milliards d’étoiles de la galaxie hôte. Les blazars présentent un flux variable sur des échelles de temps allant de plusieurs années à quelques minutes. La variabilité rapide de ces sources fournit des contraintes sur la taille de la région d’émission et sur sa vitesse globale d’approche de l’observateur. Les distributions de flux sont souvent à longue queue et relativement bien modélisées par des distributions log-normales, avec des conclusions débattues sur l’origine des variation du flux : propagation en cascade de fluctuations dans le disque d’accrétion ou variations du taux d’accélération à l’intérieur du jet. Alors que les travaux théoriques sont activement développés pour prédire ces variations, un recensement non biaisé de la variabilité des blazars reste hors de portée. Cette méconnaissance empêche de tirer des conclusions solides sur l’association des blazars à des messagers tels que les neutrinos au TeV-PeV et les rayons cosmiques à l’EeV.

Les blazars observés dans le domaine des rayons gamma par Fermi-LAT sont également observés dans les relevés optiques. Leurs émissions présentent des propriétés communes en optique et rayon gamma, comme attendu dans les modèles d’émission à large bande. Avec l’avènement de l’astronomie dans le domaine temporel, les relevés optiques vont permettre dès demain de cartographier la variabilité de la majeure partie du ciel transitoire. Par exemple, le relevé ZTF génère actuellement ~10⁵ alertes optiques par nuit, et l’observatoire Rubin devrait en générer dix à cent fois plus d’ici 2024. Ces données sont traitées par des gestionnaires d’alerte (brokers) tels que Fink qui, en plus de ses capacités de traitement à haute fréquence, peut ingérer et redistribuer les alertes de manière ouverte, les croiser avec celles d’autres observatoires et les corréler avec des catalogues de sources connues. Nous avons déjà configuré Fink de manière à ce qu’il puisse ingérer des flux de données en temps réel provenant des blazars de Fermi-LAT. Ce flux de données en rayons gamma constitue la meilleure voie préparatoire aux alertes à envoyer et à recevoir par le Cherenkov Telescope Array (CTA), l’observatoire de rayons gamma de nouvelle génération.

Ce projet de doctorat tire parti des derniers développements en matière d’astronomie dans le domaine temporel, en combinant des relevés optiques et des relevés de rayons gamma pour comprendre et interpréter la variabilité des blazars. La première année du travail de doctorat verra notamment le début de l’exploitation de Rubin/LSST et de CTA-Nord, à laquelle les directeurs de thèse contribuent activement. L’objectif est d’établir un cadre mathématique cohérent pour caractériser l’ensemble des propriétés optiques et gamma des blazars. Le travail de doctorat se concentrera sur la construction d’une cartographie quadridimensionnelle (direction, distance, temps) des blazars qui servira de base pour déduire le cycle de fonctionnement des blazars et automatiser la détection des événements transitoires de ces sources. Une telle approche bénéficiera continuellement des nouvelles informations obtenues (apprentissage automatique et/ou humain), conduisant à la découverte de nouveaux événements transitoires à partir de blazars, et ouvrant une toute nouvelle fenêtre sur le ciel transitoire.

Programme de thèse

Le programme de thèse sera consacré à l’astronomie extragalactique optique et gamma avec des données provenant de plusieurs observatoires. En fonction des intérêts du candidat et des compétences développées tout au long du projet, des développements clés sont attendus sur :

A) Fermi-LAT / ZTF

Dans un premier temps, le travail portera sur l’étude de la population de blazars dans le domaine des rayons gamma à partir des données de l’observatoire spatial Fermi (instrument LAT). Le jeu de données actuelles, qui comporte environ ~1 300 AGN à jet détectés en rayons gamma au-delà de 10 GeV par Fermi-LAT, pourra servir de base de départ pour construire la fonction de distribution caractérisant la population gamma et ses propriétés temporelles. Il s’agira ensuite de rechercher les contreparties à ces sources dans les données ZTF reçues par le broker Fink depuis 2019 (plus de 160 millions d’alertes), pour finalement construire une première version de la cartographie quadridimensionnelle qui inclut à la fois des données en optique et en gamma.

B) Fermi-LAT / Rubin

Dès 2025, l’observatoire Rubin commencera ses observations dans le domaine de l’optique visible depuis le Chili. La couverture fréquentielle de Rubin sera plus importante que celle de ZTF (6 bandes de fréquence : u, g, r, i, z, et Y), la profondeur sera plus grande (jusqu’à un redshift cosmologique de 3 environ), et la précision des données photométriques sera meilleure (environ 0.01 magnitude). La/le doctorant.e aura la primeur des données Rubin. Le modèle initialement construit à partir des données ZTF en optique bénéficiera rapidement des données de Rubin pour améliorer la compréhension de la variabilité des blazars. Une attention particulière sera portée à la compréhension et la réjection des contaminants, vu le taux d’alertes attendu (> 10 millions par nuit).

C) CTA / Rubin

À partir de 2026, les premiers télescopes de CTA seront opérationnels. Les alertes les plus intéressantes sélectionnées à partir des données de l’observatoire Rubin seront envoyées en temps-réel vers les télescopes de CTA pour du suivi dans le domaine gamma. Le travail portera sur la synchronisation des systèmes d’alertes (outils interopérables) et la réduction des premières données prises par CTA pour complémenter le modèle mathématiques incluant l’ensemble des propriétés optiques et gamma des blazars. Le travail portera aussi sur l’étude de nouveaux transitoires que les observatoires Rubin & CTA révéleront. Finalement, l’ensemble des résultats de ces travaux sera mis à la disposition de la communauté dans une approche de science ouverte, déjà au cœur de la stratégie de l’ensemble des acteurs (Fink, Rubin, CTA). 

Collaborations

Les échanges et les collaborations internationales constituent une pierre angulaire du programme de doctorat proposé. La/le doctorant.e rejoindra le consortium CTA et, à ce titre, participera aux groupes CTA et aux réunions du consortium. La/le doctorant.e rejoindra également l’Observatoire Rubin et sera membre à part entière du broker Fink. La participation à des ateliers et à des conférences en Europe est à prévoir. Une collaboration étroite, incluant des échanges possibles de quelques semaines, peut être envisagée avec des groupes de collaborateurs, plus particulièrement en Allemagne et aux États-Unis.

Pré-requis et compétences acquises

Les candidats et candidates doivent démontrer, comme conditions préalables :

  • un état d’esprit collaboratif ;
  • des compétences de base en systèmes basés sous Linux, en Python et en informatique scientifique (statistiques, traitement du signal, science des données) ;
  • des notions fondamentales en astrophysique des hautes énergies, en physique des astroparticules et en cosmologie ;
  • Master en astronomie / cosmologie / astroparticules, ou niveau équivalent dans un autre domaine scientifique.

Tout au long de ce projet, la/le doctorant.e acquerra :

  • une expertise en astronomie physique des astroparticules ;
  • des compétences de synthèse, à travers la rédaction de notes, de comptes rendus de conférences et de publications ;
  • des compétences de présentation, à travers des présentations orales à la communauté internationale ;
  • la capacité à mener un projet de bout en bout ;
  • éventuellement des compétences en matière d’enseignement, si l’étudiant.e est intéressé.e.

Équipe d'encadrement

La/le candidat.e retenu.e effectuera son doctorat au sein du département A2C (J. Biteau) et du département informatique (J. Peloton) du Laboratoire de Physique des 2 Infinis Irène Joliot-Curie – IJCLab.

Le département Astrophysique, Astroparticules et Cosmologie (A2C) comprend 60 chercheurs qui étudient les différentes facettes de l’Univers, depuis le système solaire jusqu’aux structures à grande échelle et aux phénomènes les plus violents. Les travaux des équipes vont des modélisations phénoménologiques à la conception, la construction et l’exploitation de grands observatoires. La/le candidat.e retenu.e rejoindra l’équipe d’astroparticules de haute énergie du département A2C, qui compte cinq membres permanents. Elles et ils sont impliqués dans la collaboration Pierre Auger (depuis 2000), dans la collaboration CTA (depuis 2015) et dans le projet DAMIC (depuis 2018). En 2023, le groupe comprend trois chercheurs postdoctoraux et deux doctorants. Le groupe a acquis une expertise mondialement reconnue dans l’étude des sources gamma extragalactiques (coordination du groupe extragalactique du CTA en 2018-19), le développement de dispositifs d’étalonnage pour l’astronomie gamma (coordination du work package associé de NectarCAM depuis 2018), ainsi que la reconstruction des rayons cosmiques, l’analyse des anisotropies et la physique des rayons cosmiques à l’Observatoire Pierre Auger.

Le département informatique d’IJCLab emploie plus de 50 ingénieurs et techniciens travaillant dans différents domaines de la physique. L’équipe de développement est spécialisée dans l’informatique scientifique, comme le calcul parallèle, l’apprentissage automatique, la manipulation de données massives et la visualisation. En 2023, le groupe comprend un chercheur postdoctoral et deux doctorants. Le département contribue à l’ensemble des projets du laboratoire, avec notamment le pilotage technique et scientifique du projet Fink. Le département pilote aussi l’infrastructure cloud VirtualData de l’Université Paris-Saclay (10 000 vCPU, 2 Po de stockage).

Bibliographie

Variability studies of active galactic nuclei from the long-term monitoring program with the Cherenkov Telescope Array
G. Grolleron, …, J. Biteau et al. for CTA, arXiv:2309.12157
PoS ICRC2023 (2023), 856

Cosmographic model of the astroparticle skies
J. Biteau et al., arXiv:2108.10775
PoS ICRC2021 (2021), 1012

Stellar Mass and Star Formation Rate within a Billion Light-years
J. Biteau, arXiv:2105.11345
Astrophys.J.Supp. 256 (2021) 1, 15

Fink, a new generation of broker for the LSST community
A. Möller, J. Peloton, E. E. O. Ishida et al, arXiv:2009.10185
MNRAS, Volume 501, Issue 3, March 2021, Pages 3272–3288

Progress in unveiling extreme particle acceleration in persistent astrophysical jets
J. Biteau et al., arXiv:2001.09222
Nature Astron. 4 (2020) no.2, 124-131

KSP: Active Galactic Nuclei
A. Zech, D. Mazin, J. Biteau et al., arXiv:1709.07997
Chap. 12 in “Science with the Cherenkov Telescope Array” (Research book), Ed. CTA Consortium, World Scientific (2019), ISBN #9789813270091

Gamma-rays From the Quasar PKS 1441+25: Story of an Escape
VERITAS, SPOL, ASAS-SN, OVRO, NuSTAR and CRTS Collaborations (J. Biteau et al.), arXiv:1512.04434
Astrophys.J.Lett. 815 (2015) no.2, L22

The minijets-in-a-jet statistical model and the RMS-flux correlation
J. Biteau, B. Giebels, arXiv:1210.2045
Astron.Astrophys. 548 (2012) A123